Pierres de rêve

Il y a quelque chose des arts du feu dans cette manière de défier le hasard tout en le contrôlant, de se réjouir d’une flamme d’argent brillant dans les ténèbres, de ces déserts d’ocre chaud légèrement craquelés, de ces noirs grumeleux gagnés par la rouille, de ces gris tranquilles virant au bleu comme par magie. Demi-tons, dégradés, ombres verticales peuplant l’espace, tout se joue chez cette ancienne adepte d’un bleu absolu, dans de sombres et violentes couleurs géologiques et parfois dans les gris légers ou sourds de nos ciels du Nord.

Les textures minérales de Claudine Péters-Ropsy (mais on peut aussi parler de tableaux sans brosses ni pinceaux, de sculptures sans taille ni assemblage) ne sont pas entièrement nées d’hier, même si la technique qui préside à leur naissance est tout à fait originale. Aussi distantes soient-elles de la peinture abstraite, elles ont été longuement et involontairement mûries par elle, enfantées par la physique et la chimie de ses couleurs, de ses matières déclinées au fil du temps.

Il n’est pas utile de révéler comment Claudine Péters-Ropsy choisit ses pierres, ses pigments, ses gammes de couleurs, comment elle broie ces matériaux, les malaxe jusqu’à obtenir cette poudre au grain inégal puis la pâte qui, en se solidifiant, compose des poèmes plastiques chaque fois uniques. Ni comment elle constitue son volume avant de laisser les matériaux sédimenter et sécher lentement dans leur cadre. Tout cela ressemble à de la cuisine. L’œuvre d’art ne tombe jamais du ciel, encore moins quand elle s’ingénie à nous faire oublier de quel labeur elle est née.

Elle s’explique pourtant et se comprend d’abord dans ce labeur.

Chaque phase, chaque geste est un prélude, le maillon d’une chaîne qui relie étroitement la plasticienne à une conception lyrique de l’univers. Le murmure du vent, l’éclat du soleil, le frémissement de l’herbe, les plis de l’eau, les brumes de nos ciels plombés, tout ce qui paraît manifester d’une façon ou d’une autre l’intuition d’une énergie supérieure se trouve métamorphosé dans cette aventure picturale radicale.

On dirait que les débris de pierre ou de marbre broyés qui sont à l’origine contiennent un programme à orchestrer, un message à amplifier. Une invite que Claudine Péters-Ropsy saisit, fixe, transcende en ménageant dans ses tableaux les aléas de l’aventure. La dureté minérale se fait alors quintessence de caresse, de frôlement, de souffle, de présence spirituelle obsédante et parfois violente.

Danièle Gillemon,
Juin 2004

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